28C - Aline L - Noël blanc
Noël blanc
Noël me rattrape toujours
Par les élastiques du cœur
Vers ces nuits lumières
De givre et de neige.
Ces Noël d’enfance
Qu’il fallait gagner
A la force du mollet
Par le chemin forestier
Noyé dans la neige profonde
Entravé de branches éparses
Et de troncs chavirés.
Là-haut nous attendait
Notre cher Gubelin
Au nom de conte
A dormir debout
Fièrement accroché
A son alpage
Et ses traditions
Qui ont forgé le paysage
Et les rudes montagnards.
Notre outa patientait
A l’abri de sa porte
De planches noircies
Assez large pour accueillir
Ensemble
Hommes et bêtes.
La porte grinçait,
S’ouvrait sur une pièce
Où régnaient
Dans un froid saisissant
Les portraits de Louis et Marthe
Mes augustes ancêtres,
Mânes de ces vieux murs
De pierre et madriers.
Depuis leur première emmontagnée
Au début de l’autre siècle,
Noël scellait une double allégeance
A la religion et à l’esprit du lieu,
Un rituel où les yeux des enfants
Etaient maîtres de cérémonie
Où leur joie battait la mesure,
Je fus un de ceux-là.
Je n’oublierai pas
Nos chants à tue-tête
Dans la bise matinale
Les dents de la scie
Au tronc frêle
Du sapin de la fête,
Entêtement de résine
Tiré jusqu’au pied de l’âtre,
Religieusement habillé d’anges
Et de guirlandes scintillantes.
Je n’oublierai pas
Le dos de ma grand-mère
Assise devant la cuisinière
Epiant la croute dorée
Et le bouillon crépitant
De la volaille du soir.
Je n’oublierai pas
L’impatience de Kyo
Son pelage de feu
Ses canines acérées
Déchirant le papier
De son cadeau couinant.
Je n’oublierai pas
La luge au clair de lune
Dans notre clairière
Où dansent les montagnes
Sous la voûte
Folle d’étoiles.
« Pour chercher le bonheur
Garde toi de descendre »
Je n’ai pas oubliée
La devise du chalet
Inscrite au linteau
De la porte d’entrée
Aujourd’hui j’ai pris la montagne
Entre Vosges et Forêt Noire,
Dans un monastère cistercien
Je porte un habit
Blanc comme la neige.
Aline L.