28C - Véronique K. Nouvel an au cabaret
NOUVEL AN AU CABARET
Descendre l’escalier, tapis rouge décoré
Maintenu à chaque marche avec barres dorées,
Arriver à niveau, salle insolite, vibrante,
D’un faste disparu mais que glace modifiante
Illumine l’espace préservé de ces lieux
Faisant un mausolée fier et impérieux.
Ailleurs, on est ailleurs; descendre, se rapporter
Au siècle disparu, maintenant déporté.
Les tentures de soie, taffetas magnifiques,
A l’image des marches, sont d’un rouge ordalique.
Cristal rutilant des lustres mirifiques
Scintille et redouble les lieux de ce décor magique,
Emplissent les yeux de ces fantômes, ces personnages
Quand ils portaient aux lèvres un champagne de grand âge.
La musique nourrit l’âme autant que les oreilles
C’est étrange et pourtant ça sonne à merveille;
Les artistes à la virtuosité entraînent
Ceux qui sont là et c’est l’époque ancienne
Que leurs ascendants ont décrit de Russie,
Russie homérique, remaniée en récit;
Pour d’autres, c’est l’exotisme montré au cabaret
Qui fait office de trouvaille avec ce qu’il en est.
Les convives, happés par ce flot nostalgique,
S’abandonnent à ces lieux délicieux, oniriques,
Souvenirs connus ou fantasmes inventés,
Qu’importe, l’auditoire frissonne, conquis, emporté.
Violons et balalaïkas amènent le tempo
Que d’aucuns recherchent sans chercher le repos
Et donnent trace et ombre au passé révolu
Dans cet univers oublié, imprévu.
C’est le Nouvel An Russe, celui qui fait briller
D’une grâce singulière, ce jour si convoité.
Dans les alcôves, les plus connus ont leur espace,
Réservé chaque année, signe du temps qui passe.
A chaque table, caviar et vodka sont une mise en bouche
Du festin qui annonce des mets de même souche.
A ce début d’agapes rares et convenus
Succèdent moult plats odorants du menu.
Soudain, la danseuse, lascive mais inventive,
Grandit l’espace de sa présence explosive.
Les parfums, les encens se mélangent savamment
Et fait virer le lieu pour qu’odeurs sagement
Saturent l’atmosphère et fassent tourner les têtes,
Donnant à la soirée un tourbillon de fête.
Hélas, l’heure est passée et le temps est compté
Qui va leur signaler fin des festivités.
Sur le parvis, froidure et grisaille montrent s’il est besoin
Que deux mondes différents se choquent avec soin,
Le monde de la joie et de l’enivrement
Voit celui du dehors avec consentement.
C’est ainsi ! Pour que plaisir existe, il faut de l’éphémère
Pour supporter les jours où l’ennui est amer.
VERONIQUE KANGIZER JANVIER 2021